La mort annoncée de l’État providence
Les français, enfermés dans l’hexagone et répugnant à regarder ailleurs car ils se croyaient le centre du monde, ont été soumis à un pilonnage constant par les divers systèmes politiques qui se sont succédés depuis Louis XIV jusqu’à Charles de Gaulle qui disait : « La France, c’est l’État » ; tous haussèrent le pouvoir à une quasi-divinité civile afin de gouverner sans partage. Les citoyens devaient tout à l’État, dispensateur de bienfaits aux sujets obéissant, et punissant les autres. L’unité de la France, n’ayant été réalisée depuis l’île de France des premiers rois, jusqu’à ses frontières actuelles, que par la force militaire, les intrigues et les mariages forcés, il convenait fatalement de tenir son monde d’une main de fer. Alors que dans la plupart des pays européens comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Suisse, l’unité territoriale et politique s’est faite par le bas, c’est-à-dire par l’adhésion des peuples, en France, elle s’est réalisée par le haut, et souvent contre la volonté des peuples, Nice, le Savoie, et marches de l’Est en savent quelque chose. L’État, devait donc apparaître comme une puissance tutélaire mystique qui pouvait tout, à qui l’on devait tout ; c’était surtout une chaîne invisible qui liait des terres différentes et des peuples dissemblables. Ainsi a été forgée en France l’idée de l’État centralisateur et tout puissant, ce qui n’était qu’un concept politique, non la réalité.
Après la dernière guerre, sous l’impulsion de Lord Beveridge, ce concept fut transposé sur le plan social : l’État « devait accompagner les citoyens du berceau à la tombe ». Les pays européens suivirent et la France plus facilement encore car la notion de la toute puissance de l’État était bien antérieure et ancrée dans les esprits. Si bien, que beaucoup de citoyens ne raisonnement plus aujourd’hui qu’en fonction des « subventions » : l’État providence donnera-t-il des subventions ? Que doit-on faire ou surtout ne pas faire, pour en obtenir ? Et démagogie aidant, on en est venu à croire qu’obligatoirement « l’État devait payer » et particulièrement dans le domaine du social… Il a échappé à beaucoup, que « les subventions » ou aides diverses n’étaient pas des bienfaits d’un État aux ressources inépuisables, mais seulement le reversement d’une infime partie de ce que les citoyens lui versent en impôts.
Actuellement, l’État providence est en train de s’effondrer en France devant d’implacables réalités économiques mondiales ; dans le même temps, 1 500 milliards de dettes « officielles » sanctionnent des décennies de fautes et de mensonges. L’État est contraint de vendre des milliers de bâtiments, ses fleurons, de l’or des réserves ; les impôts augmentent, des paiements que l’on croyait acquis deviennent douteux, le remboursement des médicaments est amputé, les retraites en danger, et les collectivités territoriales sont de plus en plus mises à contribution. Les citoyens, brusquement et sans réaliser encore, se retrouvent devant la vérité toute crue : l’État n’est rien et eux sont tout, et c’est donc eux qui vont devoir payer les dettes.
En Angleterre, le ministre des Finances George Osborne vient de récuser « le concept d’allocations universelles » ou l’idée selon laquelle « tout le monde et pas seulement les pauvres devait bénéficier d’une protection sociale ». Depuis 1980 le système de l’État providence, confronté à la mondialisation s’est grippé, et tous les pays européens qui peu ou prou avaient suivi cet exemple depuis quelques décennies, ont fait machine arrière. Et l’on a pu lire dans une publication anglaise « Soixante-cinq ans après que Lord Beveridge ait compté sur l’État pour nous tenir la main du berceau à la tombe, Cameron et Osborne nous demandent de tenir debout, plus ou moins par nos propres moyens, sur nos deux jambes ».
Ceci est d’autant plus vrai pour nous et il serait illusoire de croire, que la pression populaire pourra influer sur ce processus. L’époque de l’État providence est révolue, comme celle de la surconsommation. Et l’on subira d’autant moins cette évolution qu’on en prendra conscience plus vite. L’aspect positif est qu’un état enfin démythifié rend leur liberté aux citoyens.